Daniel Narcisse

AIR FRANCE
C'est là-bas, de l'autre côté du Rhin, qu'on lui a trouvé ce surnom. La faute à une extension d'extraterrestre à faire pâlir Michael Jordan et dont lui seul à le secret. Daniel Narcisse est un athlète, façonné pour planer sur les défenses. Les martyriser. Pensionnaire du club de Kiel depuis la rentrée 2009, où il a pris le relais d'un autre monstre sacré du handball mondial, son camarade en bleu Nikola Karabatic, l'enfant de la Réunion n'a jamais ménagé sa peine pour être, aujourd'hui l'un des meilleurs. Depuis son île natale, il ne pouvait pas imaginer le calvaire qui l'attendait. Là-bas, il s'entraînait deux, trois fois par semaine, maxi, et les séances n'étaient pas aussi élaborées qu'en Métropole. Il allait à l'essentiel et s'exprimait dans une totale liberté. A Chambéry, il passe à deux séances par jour. De la piste, de la musculation, de la tactique, de la technique. Un jour, à la musculation, lors d'une séance de développé couché, il n'y avait même pas de poids sur la barre mais il était incapable de soulever les vingt kilos. Daniel Narcisse avait imaginé découvrir un monde nouveau, une autre vie où l'échec était proscrit. Mais à Chambéry, il se retrouvait seul. Loin de ses deux frères, de ses deux sœurs, d'un cocon familial qui le protégeait. Ses rares compagnons étaient, maintenant, l'amertume, la nostalgie, la tristesse qui le ramenaient toujours vers la Réunion. Là-bas, il avait toujours quelque chose à faire. Il se dirigeait vers le terrain du Chaudron, à Saint-Denis, et trouvait toujours en route un pote qui traînait pour échanger et partager une balle. Destin mort-né, pensait-on, pour un gamin qui ne vivait pourtant pas là sa première expérience douloureuse. On lui avait déjà, en effet, interdit la pratique du sport collectif en raison d'une malformation à un talon. Pendant trois ans, Daniel Narcisse n'a fait que du BMX. Il regardait de loin ses copains sur un terrain de hand ou de basket, sa première passion. Probablement a-t-il trouvé dans cet acte de naissance pénible les ressources morales pour forcer sa nature. Il lui reste son bras, cette détente, ce don inné du un contre un pour fixer à l'horizon un avenir radieux. Le travail fera le reste. Six mois avant d'intégrer l'équipe savoyarde, deux années avant d'approcher les Bleus et Jackson Richardson dont il est, évidemment, le digne successeur. Un peu plus pour affirmer sa personnalité et imposer son talent. En s'exilant trois ans à Gummersbach, le plus jeune champion du Monde français prendra la mesure de ses qualités, de l'étoffe surtout dans un contexte très relevé. Mais ce séjour marqué, sur la fin, par un désaccord avec ses dirigeants allemands se refusant à le laisser repartir à Chambéry, sera une étape déterminante dans son épanouissement. A 28 ans, il est un autre joueur. Incontestablement, sur son poste d'arrière gauche, le meilleur joueur du dernier Euro en Norvège il y a deux ans déjà. Le porteur d'âme en Savoie où le projet d'expansion du handball s'articulait autour de lui jusqu'à la saison passée. Longtemps calé dans l'ombre réconfortante et chaleureuse de Jackson Richardson, il a aujourd'hui repris dignement le flambeau. A Pékin, il a mis du temps à trouver ses marques, avant de devenir l'artificier des matches couperets. L'arme fatale d'une armada couverte d'or. Artisan du magnifique parcours de Chambéry lors de la Ligue des Champions 2008/2009, il rentre une fois encore couvert de gloire du Championnat du monde croate, tout heureux de ramener un nouveau titre dans sa petite famille, agrandie entre temps avec la naissance de sa petite fille, quelques jours avant le Mondial. Daniel Narcisse a trouvé le bon rythme pour devenir une des plus belles perles de la planète handball.