Guillaume Joli

LE PERSEVERANT
Quoi de plus incommodant que de se cantonner à un rôle de doublure de Luc Abalo, titulaire indiscutable en équipe de France au poste d’ailier droit. Rien de plus rageant que d’envier un coéquipier à qui tout réussit. Ainsi est le rôle parfois ingrat dévolu à Guillaume Joli, gaucher talentueux mais verrouillé par un virtuose de la petite balle ronde. Il connaît d’ailleurs très bien l’ancienne gloire d’Ivry avec qui il s’est épanoui dans les sélections France Jeunes et Juniors. Et n’éprouve aucune rancune à l’égard de l’épatant artiste. Pendant que le maestro de Ciudad Real récite ses gammes ingénieusement, le Chambérien de 24 ans joue sa partition sur le banc de touche, en coulisse, comme une répétition générale avec ses collègues remplaçants. Un morceau qui parfois s’éternise quand le soliste fait l’unanimité. Là est le sort impitoyable dévolu au natif de Lyon, peu coutumier de pareille frustration dans son club de cœur. Une situation d’autant plus délicate à gérer que l’ancien sociétaire de Tassin la Demi-lune et de Villefranche sur Saône s’est érigé dès le plus jeune âge comme un joueur décisif pour qui la route de la réussite était dégagée. Hormis les blessures qui ont parfois entravé sa progression, une place de titulaire lui était naturellement attribuée et la concurrence ne lui faisait pas défaut. Sous le maillot des Experts, c’est désormais une toute autre paire de manches. Batailler parmi des éléments plus aguerris et plus habiles relève de la normalité. Le très haut niveau est à ce prix. Perspicace et sage, Guillaume n’est pas du genre à s’apitoyer sur son sort. Relever la tête mais la garder froide lorsque l’équipe de France lui fait les yeux doux est son leitmotiv. Faire contre mauvaise fortune bon cœur, sa ligne directrice. Mais quand Maître Onesta loue ses services et que l’heure d’entrer en scène a sonné, « Guigui » ne se dégonfle pas, répète ses enchaînements, affectionnés pendant longtemps par le public chambérien qui n'a eu de cesse de le célébrer depuis son arrivée en 2004 et jusqu'à son départ, en 2010, pour l'ensemble espagnol de Valladolid. Les pieds sur terre, le Rhodanien savoure avec modestie ces instants privilégiés, et s'est surtout concentré sur le travail qu'on lui attribue. Et où il excelle. Le jet de sept mètres. Sans s’effacer toutefois. Son tempérament ne l’y contraint point. L’ailier droit croque donc ses moments à pleines dents à la mesure de l’étonnement qui le gagne lorsqu’il est retenu dans le groupe pour participer au stage des Experts en novembre 2008. Non moins émerveillé lorsqu’il devient champion du Monde en Croatie, en février 2009, puis champion d'Europe en 2010 à Vienne. Lui qui a étrenné ses premiers galons en Bleus le 16 juin 2006 contre l’Espagne connaît la dureté et la sévérité du monde professionnel. Voudrait survoler les débats comme Luc Abalo. Suivre son essor sans se brûler les ailes.